Les vertus des anciennes recettes n’ont pas fini de nous interpeller : A l’époque où le mot « digital » ignorait encore tout de sa « transformation » actuelle, et où il faisait plutôt référence à l’empreinte d’un doigt plein d’encre noire sur une pièce d’identité cartonnée, paraissait le résultat des travaux d’un psychologue social américain et professeur dans l’Etat d’Arizona, Robert B. CIALDINI, sous le titre : « Influence : The Psychology of persuasion » et traduit en français par : « Influence et manipulation ».

Ces recherches, fondées sur de nombreux tests et cas pratiques réalisés pendant une quinzaine d’années, lui ont permis d’en tirer 6 principes d’influence, qui s’appliquent dans la plupart des situations humaines qui mettent en jeu une transaction ou une prise de décision. Il s’agit en fait de mécanismes comportementaux que nous pratiquons comme des routines, et dont il est intéressant de prendre conscience pour pouvoir les utiliser à bon escient dans le domaine commercial.

Voici donc ces 6 facteurs principaux d’influence avec quelques déclinaisons usuelles dans le domaine de la vente :

1. La Réciprocité : 

Dans la plupart des pays, un don est souvent associé à la notion de réciprocité : Nous nous sentons souvent redevables d’un geste gratuit à notre égard, et notre éducation comme la norme sociale nous poussent à donner en retour lorsque nous avons reçu.

Application à la vente : Lorsque vous laissez un échantillon gratuit à un client ou que vous fournissez gracieusement un petit « cadeau » sans grande valeur, vous multipliez les chances que celui-ci vous passe une commande ou qu’il augmente son panier d’achat, ou son pourboire selon les cas.

2. L’Engagement et la Cohérence :

Dans un premier temps, notre engagement dans une action est proportionnel à ce que nous y avons mis de nous-même au moment de notre décision : De fait, nous sommes plus impliqués dans un choix qui nous coûte.

De plus, l’ancrage de notre décision sera d’autant plus fort que nous avons :

  • 1/ exprimé ce choix à voix haute,
  • 2/que nous l’avons écrit,
  • 3/ et que nous avons publiquement expliqué les raisons de notre décision.

Notre besoin impérieux de paraître cohérent prend ensuite le relais, nous incitant à nous conformer au choix que nous avons fait. Il sera très difficile de nous faire changer d‘avis, car nous n’aimons pas passer pour quelqu’un d’opportuniste, de versatile, voire d’instable.

Application à la vente : Lorsqu’une marque invite ses clients à faire sa promotion ou à parrainer de nouveaux utilisateurs, elle utilise simplement ce principe qui lui permet de les fidéliser dans la durée par leur engagement public, puis par leur souci de cohérence. De même, une enquête de satisfaction remplie positivement engage d’une certaine façon votre client pour la suite de votre relation commerciale.

3. La Preuve par le Nombre (preuve sociale) :

Notre prise de décision obéit souvent, et parfois malgré nous, à un principe d’imitation, en observant ce que fait normalement le plus grand nombre de personnes. Il y a en effet moins de risques à suivre un comportement social usuel qu’à faire le contraire. Si de plus, nous nous identifions facilement à ce plus grand nombre (par l’âge, le style, les goûts, les valeurs, etc), nous nous y conformerons encore plus rapidement !

Application à la vente : Bien entendu, le phénomène de la mode est l’exemple parfait de cette propension au suivisme, et les jeunes sont une cible de prédilection dans ce domaine… Mais nous choisissons aussi plus facilement d’entrer dans un restaurant plein de monde que dans un autre vide, présupposant que le nombre de clients présents est un gage crédible de la qualité du service et de la nourriture proposés.

4. L’autorité :

La connaissance ou l’expertise, marquées par un certificat ou par un label, ont un effet rassurant et donnent une légitimité supplémentaire à celui qui l’exerce. Nous faisons à priori confiance à un médecin, un avocat ou un expert comptable, par le simple fait qu’il possède un diplôme officiel dans son domaine.

Application à la vente : La recommandation d’une personne faisant autorité a un grand pouvoir d’influence sur les décisions d’achat, c’est pourquoi des marques de produits grand public font parfois intervenir dans leurs publicités des témoignages de professeurs, d’experts ou de chercheurs afin de crédibiliser l’intérêt, l’efficacité ou la sécurité de leur utilisation. Nous-mêmes, ne sommes-nous pas sensibles à la recommandation d’un proche à qui nous accordons toute légitimité sur un sujet précis ?

5. La rareté :

Le principe de rareté est incontestablement un levier puissant du passage à l’action : Au-delà du simple ratio de l’offre et de la demande, c’est la crainte de manquer quelque chose d’important qui est au cœur de ce moteur de nos décisions.

Application à la vente : Les bons marqueteurs ne laissent jamais passer une occasion d’appuyer sur la raréfaction, réelle ou fictive, d’un produit, pour tenter d’obtenir un taux de décision d’achat plus important. Le « must » en la matière consiste à mettre de la rareté sur la rareté : Lorsque nous apprenons par une source non-officielle (et donc rare) que tel produit ou service dont nous avons besoin est susceptible de se raréfier, nous passons immédiatement à l’acte !

6. L’appréciation ou amitié :

Dernier principe d’actions et de décision identifié par Robert B. CIALDINI, l’impact persuasif de quelqu’un que l’on aime ou que l’on apprécie est proportionnel au degré du sentiment qu’on lui porte. De fait, la qualité de la relation personnelle que nous créons avec un client ou un fournisseur influence significativement le niveau et la durée de la relation commerciale que l’on va établir avec lui.

Application à la vente : Le marketing relationnel est né du constat de ce moteur d’achat puissant, et de grandes marques de produits vendues en BtoC ont opté – Tupperware en tête, pour la vente à domicile en réunion, afin de capitaliser sur la confiance réciproque des amis et voisins et de déclencher de façon quasi certaine leur décision d’achat.

En conclusion, le fait que le titre français de l’ouvrage ait inclus le terme de « manipulation » (absent du titre américain) n’est pas anodin, dans notre pays où la vente reste encore chargée de préjugés négatifs.

Il est temps de comprendre que le métier de vendeur n’est pas, par nature, moins éthique qu’un autre, et que le commercial dispose uniquement, pour persuader un client, d’outils relationnels et de techniques de communication qu’il doit parfaitement maîtriser. Ensuite, que le produit soit utile, efficace et sûr n’est pas de sa responsabilité, mais bien de celle de l’entreprise qui le fabrique et/ou le commercialise…

Redonnons à la vente ses lettres de noblesse, car c’est elle seule qui permet à toute entreprise de maintenir et de développer l’ensemble de ses ressources et de ses savoir-faire !